Matthieu et Mathilde Margaillan ont parfaitement maîtrisé le dernier Rallye Terre de Lozère signant leur 3e victoire de la saison. Et leur prestation à Mende augure d’une fin de saison qui pourraient bien les conduire au titre après plus de 20 saisons consacrées essentiellement aux Rallyes sur terre, que ce soit en France et même, à l’occasion, sur quelques belles épreuves européennes comme ce fut le cas en 2015. Matthieu, 37 ans, possède une solide formation professionnelle avec un DUT Génie Thermique et énergie doublé d’un Diplôme d’études supérieures en Management. Tout au long de sa longue semaine de travail il gère l’entreprise familiale spécialisée dans les travaux forestiers, l’entretien d’espaces, la production de produits issus du bois, entre autres. Mathilde, sa cadette, en plus de sa passion pour les chevaux, officie dans l’administratif de la société familiale. Du coup, c’est parfois tard, le vendredi, que les deux quittent leur milieu professionnel et le village de Dabisse les Mées, dans les Alpes de Haute Provence, pour rejoindre leur équipe, AMD cette saison.

LE TERRE ÉTAIT LE REFUGE DES AMATEURS PASSIONNÉS

« J’ai essayé l’asphalte mais la terre c’était l’idéal pour nous car pas on n’a pas de reco avant l’épreuve qui se joue sur un temps très resserré, compatible avec la société. Nous avons plus de 60 collaborateurs, c’est donc très prenant » nous précisait Matthieu, lors d’un temps d’assistance au Terre des Causses. Ce sera d’ailleurs le seul moment consacré à cette rencontre. C’est Mathilde qui se chargera de la suite ! Matthieu a débuté aux côtés de son oncle en temps que copilote, en Peugeot 106 et 205 GTI. Mais rapidement, il prend le volant d’une Peugeot 206 pour quelques rallyes et, par la suite, en 2009, achète une Peugeot 207 afin de participer à la coupe Peugeot (ex Daumas). En 2010 débute la collaboration de la fratrie Margaillan, Mathilde rejoint Matthieu mais en 2011 c’est la grosse sortie de route au Terre des Causses. Matthieu est sérieusement touché, physiquement. Il revient fin 2011 mais la peur de l’accident reste et il décide de prendre d’autres copilotes que Mathilde.

UN DUO PLUS FORT QUE L’ACCIDENT

« Cependant rapidement en s’est rendu compte que c’était ensemble que nous étions efficaces. Après un ou deux rallyes sur asphaltes avec la 207 R3T, en 2012 on se retrouve au départ des Cardabelles tous les deux et dés lors notre duo reconstitué ne se séparera que très épisodiquement. Nous avons rencontré Fred Comte en 2013 et c’est avec la structure AFC que nous allons évoluer vers le haut. Fred était une perle, cette période, hélas conclue tragiquement avec sa disparition au Rallye du Mont Blanc, reste un super souvenir ». Ils montent d’un cran et c’est en S 2000 que les deux Bas Alpins évoluent. Avec la 207 ils s’imposent une première fois au Rallye de Haute Provence (asphalte) avant de récidiver, l’année suivante avec la Skoda, qui depuis l’Auxerrois, a succédé à la 207 et à la 208 R2 de la coupe.

AVEC FRED COMTE, LA COURSE EN FAMILLE

La collaboration AFC – Skoda S2000-Margaillan’s est très prolifique. Ils fréquentent le championnat terre avec succès, débutant aux Causses par une 2e place et un titre de Vice champion en fin de saison. Début 2014 ils font une infidélité à la terre pour s’aligner au Monte Carlo. Bien leur prend : ils terminent 17e scratch et premier amateur ! Dès lors, les diverses évolutions de la Skoda Fabia seront privilégiées avec une petite infidélité pour une DS3, mais pour la bonne cause, une incursion en WRC3 (Junior WRC) que ce soit au Portugal, en Pologne ou en Finlande. « Pour la petite histoire il faut avouer qu’on y prenait goût et que Fred Comte était d’une aide plus que précieuse. C’était un garçon d’une gentillesse et d’une compétence exceptionnelle. On considérait l’équipe AFC comme faisant partie de notre famille. Quand il a eu son accident mortel au Mont Blanc, ce fut un coup terrible. Dans ces cas là on se pose beaucoup de questions y compris celle de continuer… » précise Mathilde. Touché au mental, les Margaillan prennent du recul. « Ce d’autant que l’entreprise prenait beaucoup d’essor, que nous développions de nombreuses nouvelles orientations notamment auprès de grandes entreprises comme Enedis ou la SNCF et que nous développions la nouvelle filière valorisation des déchets… »

EN TÊTE DU CHAMPIONNAT AVEC LA NOUVELLE SKODA RS

Après quelques saisons « light » et la période COVID Matthieu et Mathilde vont repartir de plus belle. « Nous n’avons pas vraiment retrouvé une équipe qui nous convenait mais nous avions gardé des contacts avec notre ami Gaël Maurin, un ancien de chez AFC qui avait monté sa propre structure, M Tech Solutions. Il a fallu du temps pour retrouver la motivation même si l’un et l’autre nous aimons la gagne. Longtemps on est resté sur les bases de l’amateur. L’an passé nous avons collaboré avec Racing Services encadré par la famille Ragues et Romain Darthenay et toujours notre amis Gaël Maurin à nos cotés, dans une ambiance conviviale et familiale d’où résultait la performance lors des manches de championnat. Nous ce qui nous comble c’est le rallye en famille, chaque week-end de course. Mes parents, les beaux parents de Matthieu, des proches, nous sommes une quinzaine en tout, soudés, et nous privilégions l’ambiance tout autant que la course. Désormais nous sommes contraints de regarder les vidéos avant le rallye. Avec la dernière évolution de la Skoda RS Rally2, ça va trop vite pour continuer sur d’anciennes bases mais l’époque de Jean Marie Cuoq et autres valait le coup d’être vécue… »

LES RALLYES RAID, L’ÉQUITATION, D’AUTRES PLAISIRS

C’est un peu pour cela que Matthieu s’est tourné à plusieurs reprises vers les Rallyes Raid avec sa compagne Axelle. Il a 2 Dakar à son actif, un Rallye du Maroc et une Baja au Portugal. On l’a même vu sur feu le Silk Rallye, en Asie, où il signera la victoire en T3. « En Rallye Raid on improvise. Pas de caméra mais du feeling. On est à 70 pour cent alors que cette année, dans le championnat terre, c’est plutôt 120 pour cent ! Jusque là les rallyes terre étaient des moments de détente, de plaisir en fi n de semaine mais on est sur la bascule ! Désormais, utiliser les vidéos semble ne plus suffire pour maîtriser le terrain. Le championnat on le domine au 3/4 mais rien n’est écrit, il faudra attaquer jusqu’au bout. Après on verra si l’envie reste. Je pratique l’équitation, c’est une autre passion. Matthieu se pose des questions sur la suite dans cette discipline. D’une course d’amateurs éclairés on passe à du professionnalisme et nous le professionnalisme c’est sur notre métier qu’il se porte. Une entreprise est une chose sérieuse. » Allier plaisir et compétition, n’est-ce pas l’essence du sport ? Et si les Margaillan avaient raison, et contre le « sens de l’histoire » ?

Alain Lauret