Déterminé et les pieds sur terre.
A quatorze ans, dans son Vaucluse natal, Bernard Piallat réparait des mobylettes dans la ferme de ses parents, à côté. d’Avignon. Il était loin de s’imaginer sur les routes du championnat du monde des Rallyes. D’ailleurs, son père qui l’avait orienté vers la mécanique agricole le voyait bien devenir ingénieur agronome aprés son BEP. Mais, la volonté de gagner sa vie rapidement, les opportunités et les rencontres l’ont vite fait basculer dans le sport automobile. De l’assistance de Patrick Ortéga, un ami, au garage Renault de Courtine Avignon puis au Simon Racing, il a débuté une passion inextinguible.
UNE RENCONTRE DÉCISIVE LORS DU SERVICE MILITAIRE
« A 20 ans, avec l’équipe d’Edmond, j’ai appris toutes les bases : de la préparation d’une auto de course à l’assistance. Deux ans plus tard, à la suite d’une prise de bec avec le patron qui m’avait accusé injustement d’une erreur sur l’auto d’Alain Oreille, je suis parti sur un coup de tête ». Direction le service militaire. C’est là que vont se nouer les bases de la future entreprise PH Sport. Bernard rencontre David Henry, un passionné de rallye. Ils vont sympathiser au point que Bernard va quitter son Vaucluse natal pour rejoindre Chalindrey et le Garage Henry. David est issu d’une famille de rallymen. Son père est président de l’ASA Langres, il est mécanicien et ami d’un certain Guy Fréquelin… David et Bernard participent à leur premier rallye en 1990 et commencent à suivre des autos de course.
L’HISTOIRE PH EST EN MARCHE
De fil en aiguille, le 17 Juillet 1990 naît PH Sport (P pour Piallat, H pour Henry). » C’est la période galère. Ortéga nous avait légué sa R5GT et David Henry s’est chargé de lui donner un palmarés, notamment face à un certain Daniel Forès qu’il devance à la course de côte de Poisson. Daniel était malin, il se savait plus rapide que David, il a logiquement pensé que le succés de celui-ci venait de la préparation de l’auto. Il est venu nous voir et nous a confié sa R5. C’est à partir de là que PH a commencé son ascension. Par la suite, il a carrément collaboré avec nous au point de devenir un conseiller trés précieux « . L’histoire est en marche. Viendra ensuite la rencontre de Sébastien Loeb, pilote d’une 106-1300 que cherchent à lancer Remi Mammosser et Dominique Heintz (Ambition Sport Auto). Rapidement Loeb fera parler la poudre en coupe Citroën Saxo, malgré la compétition avec un certain Jef Bérenguer, lui aussi pilote PH. Ce seront les vrais débuts d’une longue collaboration avec Citroën
La lecture d’un livre consacré à PH Sport et Citroën nous incitait à en savoir plus.
INTERVIEW :
GT2i : Le Palmarés de PH Sport est impressionnant. Quel est le secret d’une telle réussite ?
Bernard Piallat : Il n’y a pas de secret. Ce sont les rencontres, la chance parfois, l’intuition et beaucoup de travail et de motivation pour faire fructifier le tout. C’est un métier ou on est tout le temps sur le pont, et surtout les fins de semaine. J’ai toujours eu dans un coin de ma tête que celui qui fait n’importe quoi ne fait pas illusion longtemps.Je dois reconnaître aussi que je ne suis pas homme à faire des cadeaux. Face à la concurrence, je me bats ! C’est peut être parfois considéré comme un défaut mais cela peut-être aussi une qualité quand le devenir d’une structure comme la notre l’exige…Mais l’argent n’a jamais été une finalité en ce qui me concerne.
GT2i : Quelle est la dimension de votre structure aujourd’hui ?
BP : Nous occupons un bâtiment de 4700 m2 que nous avons racheté et totalementre conditionné et adapté à l’activité. 35 personnes y travaillent.
GT2i : Vous avez toujours été fidèle à Citroën ?
BP : C’est encore une fois une opportunité que nous avons saisie. Nous avions 2 clients qui faisaient la coupe Citroen, AX pour Gérard Lonjard et ZX pour Daniel Forès. Daniel qui est de 20 ans mon aîné, m’a beaucoup aidé à sortir notre petite structure de l’inconnu. Le grand changement c’est aussi lorsque j’ai eu la chance d’avoirJean-François Bérenguer comme client. C’est un personnage hors norme et un pilote incroyable. C’est devenu un ami. Pour créer une relation aussi importante avec un constructeur, il faut le mériter. Chaque fois que nous nous sommes trompés, nous nous sommes remis en question pour rebondir.
GT2i : C’est à dire ?
BP : Typiquement, quand nous montons en championnat du Monde en avril 1999 avec Sébastien Loeb et Fabien V.ricel, cela s’est soldé par un échec. J’ai compris que le Mondial était clairement le niveau au-dessus et qu’il fallait élever le nôtre. Aprés 2 manches catastrophiques, on a eu la chance de conserver la confiance Citroën. On s’est mis au travail et on a fait des assistances d’entrainement dans les conditions de course, la nuit, sous la pluie, moteur chauffé à blanc… chrono en main, jusqu’à ce que chacun connaisse sur le bout du doigt ce qu’il aura à faire. On a même crée des outils spécifiques. Et ça a payé. Dès le San Rémo, la prestation a été irréprochable…
GT2i : Cependant vous ne mettez pas tous les oeufs dans le même panier
BP : L’entreprise doit vivre et il faut s’adapter en permanence. A côté des programmes avec la C3 nous refaisons du Renault avec la Clio RC5 de la coupe et les nouvelles Clio Rally3. Mais je suis marié avec Citroën donc je sais que le futur peut amener de nouvelles choses…
GT2i : Que penser de la nouvelle génération ?
BP : Si je regarde les tous jeunes, j’en vois un
ou deux qui ont la passion . c.t. du talent
de pilote. Le talent est une chose mais l’.tat
d’esprit est primordial, selon
moi. Savoir .voluer avec
l’.quipe, avoir du savoirvivre,
cr.er une synergie…
La nouvelle génération est totalement différente de la précédente ! Déjà, en général, cela concerne des gens fortunés car notre sport coûte trés cher. Si on regarde trente ans en arrière on constate que les gamins avaient une passion infinie pource sport. Ils ne planifiaient pas leur carrière, ils étaient enthousiastes. Désormais, ils veulent être champions, c’est l’opposé. Certains y arriveront peut-être mais beaucoup disparaissent. On est loin des morts de faim qui roulaient en 106 ou en Coupe AX !
GT2i : Etre préparateur c’est aussi être conseiller ?
BP : Beaucoup, aussi. J’essaie de leur faire profiter de mon expérience, de leur éviter des erreurs dans leur choix de carrière, sur le plan technique. Les parents ont perdu le fil de ce qu’était ce sport. Ils peuvent constituer un handicap car les références et les codes ont changé et je sers souvent d’interface parents/enfant.
GT2i : Que penser du coût de la course automobile ?
BP : Il n’y a plus de possibilités de courir pour des talents. A mes débuts, une 5GT coûtait un an de salaire. Aujourd’hui, une 208 c’est plusieurs années de salaire !Les Saxo Challenge étaient presque de série. Il est vrai qu’une partie du coût est liée à l’amélioration de la sécurité, une bonne chose. Mais aujourd’hui, les gens veulent briller. La coupe Opel ou les N2S c’étaient de beaux projets mais cela n’a rien donné. Dommage !
GT2i :
Au rang des meilleurs souvenirs, lequel est en tête de liste ?
BP : En 2016 on n’avait pas gagné énormément de choses. On travaillait pour gagner car on est payé pour ça. Avec Kris Meeke, PH Sport s’impose au Rallye du Portugal puis, en Finlande, le sommet du rallye avec le Monte Carlo, Meeke récidive, Craig Breen termine 3e. Et je me retrouve à recevoir le trophée du constructeur. Un fils de paysan qui conduisait des tracteurs dans une ferme du Vaucluse qui monte sur le podium du Rallye de Finlande, tu ne réalises pas ce qui t’arrive ! En 90, quand on gagnait le groupe en régional, je sautais au plafond. Imaginez ce que c’est quand on entend la Marseillaise, debout à côté de ces grands champions !
GT2i : Et le pire?
BP : Ce n’est peut-être pas le plus connu mais c’est celui que je n’ai pas encore digéré. On perd la coupe ZX avec Daniel, au Rallye de la Rochelle, pour une seconde et donc aussi le classement de fin d’année avec le même écart face à Lonjard. Tu tedemandes toujours quelle erreur dans la préparation tu as pu faire qui te ralentisse d’une seconde !
A 57 ans, le patron de PH Sports n’envisage pas de succession. Tom, son aîné, est pilote d’hélicoptère mais suit néanmoins de prés les péripéties sportives du paternel, tout comme Enola qui considère la structure comme sa famille, y ayant,dès l’âge de 10 ans, vécu tous les grands moments. » Tant que ça m’amuse, je continue. Dans 10 ans on verra ce que sera devenu le sport automobile et surtout, son évolution qui semble inéluctable me fera-t-elle toujours autant rêver ? » conclut Bernard.
BERNARD PIALLAT ET PH SPORT, REPÈRES
• 31 mars 1967 : Naissance de Bernard Piallat
• Novembre 1982 : Il découvre le sport automobile dans la revue Echappement
• 1984 : BEP conducteur de machines agricoles
• Mars 1987 : intégre le Simon Racing et 1ère assistance au Tour de Corse
• 1er avril 1989 : Service militaire et rencontre avec David Henry
• 17 juillet 1990 : Naissance de PH Sport . Chalindrey, Haute Marne (P pour Piallat, H pour Henry)
• 1991 : Préparateur mais aussi assistance sur les épreuves, une nouveauté
• 1992 : 1er scratch au Haut Pays Lorrain et victoire en groupe N à la finale des Rallyes (Arras) avec Daniel Forès (R5GT).
• 1993 : David Henry quitte PH et arriv.e de Jean François Leteissier
• 1998 et 99 : Vainqueur de la coupe Saxo Kit car avec Bérenguer puis Loeb. Début de l’aventure Citroën en championnat du Monde
• 2001 : Champion du Monde Junior avec Loeb
• 2002 : Champion du Monde Junior avec Dani Solà
• 2006 : WRC junior avec Meeke, Pressac, Tirabassi, Citroën lui confie la location des Xsara WRC
• 2007 : Champion d’Europe avec Simon Jean Joseph (C2 Super 1600)
• 2008 : Champion WRC Junior avec S.bastien Ogier (C2 Super 1600)
• 2010 : Ogier s’impose au Portugal
• 2011 : Petter Solberg, 5e en WRC (DS3), Bryan Bouffier impose la 207 S 2000 au Monte Carlo
• 2013 : Robert Kubica champion WRC2
• 2014 : Stéphan Lefebvre, champion WRC3
• 2016 : Victoire de Meeke au Portugal et en Finlande (Breen, 3e)
• 2019 : Loeb sur le Podium au Dakar avec le 3008
• 2020 : Création du Zéphyr (SSV)
• Série en cours avec les frères Rossel ou les frères Fransceschi, ces dernières saisons.