Sur les bords de route, il est très fréquent d’entendre des commentaires admiratifs sur le « Père Authebon ». Et dans ses expressions, on peut déceler une référence à son fils Denis, pilote émérite, lui aussi, mais plus certainement l’expression du res-pect pour cette figure régionale. Outre ses innombrables aventures sportives et professionnelles sur lequel il est intarissable, c’est dans le milieu automobile de compétition, plus particulièrement les rallyes, que Gérard est devenu une référence, tout bonnement parce qu’à 86 ans il continue de piloter les bolides qu’il met soigneusement au point dans son minuscule garage de la rue Pierre Ramel, à quelques jets de pierre du boulevard Clémenceau, dans la capitale régionale.
ADEPTE DE LA PLON- GÉE SOUS-MARINE
Mais avant sa première licence, en 1967, Gérard, avait déjà acquis de solides bases en mécanique moto et auto. A 86 ans, ce sportif de bon niveau continue à gérer sa forme, ne négligeant pas le footing et sillonnant Montpellier à… vélo. Durant de longues années, il a pratiqué la plongée sous-marine profonde, sur des épaves, notamment. Et puis, par principe (parmi d’autres), il ne touche ni au tabac pas plus qu’à l’alcool !
Petit déroulé d’une vie très pleine au cours d’une longue discussion dans son antre, au pied de 2 Austin mini en cours de restauration, le coude appuyé sur un carter de boîte rutilant et en passe d’être remonté. « Le certificat d’études en poche, à 16 ans, j’ai débuté dans la mécanique. Je travaillais à 100 mètres de là, dans une fabrique de vélos. On les concevait sur mesure pour les clients mais mon patron était un touche à tout. Un jour, il s’est mis à racheter des bidons d’huile dont le couvercle avait été décou- pé et il nous a mis à la soudure. On prati- quait déjà des gestes écologiques sans le savoir en ressoudant le couvercle pour faire des bidons prêts à resservir et il les revendait. Du coup je peux dire que j’ai acquis très jeune une solide expérience dans cette pratique » précise Gérard Authebon, dans un éclat de rire.
DU VÉLO À LA VESPA 400
Très rapidement, il va passer de la conception des vélos sur mesure à la mécanique automobile. « Mon patron était très réactif et souvent en avance face à l’évolution de la société. En 1954, deux ans après mes débuts chez lui, il s’est lancé dans la commerce des Scooter Vespa et de fil en aiguille on s’est retrouvé concessionnaire des Vespa 400. On en a vendu un bon paquet mais la marque a été rachetée par Fiat et comme l’auto faisait de l’ombre aux Fiat 500, Fiat a fait détruire tous les stocks si bien qu’il n’y avait plus de pièces détachées. C’est de- venu très compliqué de faire réparer tout ce qui avait été vendu mais comme mon patron ne lâchait rien et que l’Austin mini faisait un tabac dès son apparition, nous sommes partis sur la vente de la marque anglaise. Je suis allé en formation en Angleterre à plusieurs reprises et je me suis retrouvé chef d’atelier et spécialiste des Austin… »
LE ROI DE LA MINI
L’affaire marche rondement et Authebon devient une pièce maîtresse du garage, intouchable dès qu’il s’agit de démon- ter un moteur et plus particulièrement de désosser une boîte à vitesses de A à Z pour la rendre à nouveau totalement opérationnelle. Un beau jour, on songe à lui pour devenir le chef d’atelier du tout nouveau concessionnaire Austin, MG, Jaguar. Mais Gérard qui n’aime pas trop les grosses structures refuse. « Le patron n’était pas content car il m’avait payé de nombreux stages. De mon côté, je ne sentais pas le fait de perdre de vue ce qui fait ma passion, la mécanique avant tout. Je les ai quittés et j’ai trouvé ce petit local qui ne payait pas de mine. Et j’y suis… depuis 1967. »
Dès lors, le petit garage, devenu désormais une vraie caverne d’Ali Baba, ne cessera d’être rempli d’Austin de tous acabits et de toute constitution, des 850 aux Cooper en passant par les bêtes de course dont celle qui permet au patron de mettre le pied à l’étrier. « J’ai attaqué par les courses de côte mais c’est en 67 que je vais toucher du rallye avec une Lotus Elan. J’avais un co-
pain qui roulait avec ce type d’auto. Il était passionné et un beau jour il m’a persuadé d’en acheter une que j’avais trouvée à Perpignan. » Dès lors la Lotus devient la bête de course de Gérard mais elle s’avère très fragile. « Ce sont des autos très légères mais à force de gagner du poids, les pièces ne tenaient pas la dis- tance. Un jour, un ami me persuade de m’engager au Rallye du Gard et de me co-piloter. Il a été malade tout le rallye, je n’étais pas très heureux de cette première expérience. Mais il s’est rattrapé en me proposant de participer au Critérium des Cévennes et de payer l’engage- ment.Ce fut la première des 46 éditions auxquelles je me suis engagé depuis 1972. Je n’en ai manqué qu’une pour raison familiale. En 94 j’ai été victime d’un accident très grave de plongée. Une hélice de bateau m’a découpé la cuisse pas loin de l’artère fémorale. J’ai eu chaud mais quelques temps plus tard j’étais au départ des Cévennes ! » précise le Montpelliérain.
SA 56ÈME LICENCE
Avec plus de 400 départs en rallye, Gérard n’est pas à un record près. Des Rallyes régionaux aux Tours de France auto et manches du championnat de France, Gérard roule sa bosse sur les routes de France. De la Lotus à la R8 Gor- dini en passant par une Triumph GT6, une Alpine 1600S, les Simca ou la R5 GT de Denis, puis une Kadett GT/E, il va devenir « accro » aux Ford Escort dont il a piloté les diverses évolutions depuis la MK1 jusqu’aux dernières MK2, groupe 1 puis Groupe 2 voire groupe F. « C’était une auto extraordinaire avec un plaisir de conduite inégalable mais par la suite je me suis tourné vers les trac avant et notamment une 309 GTI et une 206 16 S qui me permettent de rester dans la compétition…. »
Quand on évoque l’avenir, Gérard envisage cette saison de débuter aux Rallyes de l’Hérault et du Printemps avec Martine Domergue qui a remplacé ses copilotes les plus assidus tels Bernard Cauvy, Philippe Périer ou récemment Cédric Causse. « Pour le Lozère je n’ai personne pour lire les notes, alors si quelqu’un est tenté ! » précise Gérard le- quel ne peut envisager ni de cesser ses heures de bricolage face à un moteur ou une boîte de Mini, ni de ne pas participer à la 47e édition des Cévennes. De toute évidence, le Père Authebon n’est pas prêt à lâcher l’affaire !
Alain Lauret